Le 30 juillet 2024 - 9 min de lecture - Crédit photo @Joel Filipe

VEFA : Indemnisation en cas de retard de livraison non justifié 

La vente en l’état futur d’achèvement (VEFA), tout comme la vente à terme (outil juridique beaucoup moins utilisé), permet à un acquéreur d’acquérir auprès d’un vendeur un bien immobilier « à construire »  dans un délai déterminé par le contrat. 

La mention d’un délai de livraison du bien est quasi-systématique, voire obligatoire sous peine de nullité en secteur protégé (acquisition d’un bien à usage d’habitation ou professionnel et d’habitation) (Art. 261-10 CCH). 

Mais que faire si ce délai n’est pas respecté ? Quelle indemnisation l’acquéreur peut-il obtenir ? 

Aucune, si le retard est justifié par une cause légitime de retard contractuellement prévue (1)

Mais dans le cas contraire, si le retard n’est pas justifié, l’acquéreur peut prétendre à une indemnisation à hauteur du préjudice subi (2).
 

1. Retard justifié par une cause légitime de retard prévue à l'acte de VEFA

L’acte de VEFA prévoit généralement un délai de livraison mais également que ce délai peut être prorogé en cas de survenance d’une cause légitime de retard (« CLR »). 

Sont régulièrement visées les hypothèses suivantes : cas de force majeure, intempéries, grèves, difficultés d’approvisionnement, défaillance d’une des entreprises participant au chantier ou encore demande de travaux modificatifs par l’acquéreur lui-même... 

En cas de survenance d’une CLR, en principe, la date de livraison du bien est différée d’un temps égal à celui pendant lequel la CLR a fait obstacle à la poursuite des travaux. 

Toutefois, il est également possible de différer la date de livraison du double des jours de retards résultant de la CLR. La jurisprudence a validé une telle clause en cas d’intempéries, en considérant qu’elle pouvait se justifier compte-tenu des nécessités de réorganisation du chantier entrainées par la CLR (Cass.3e civ., 23 mai 2019, n° 18-14.212, suivant avis Commission des clauses abusives le 29 septembre 2016, avis n° 16-01).

Lorsque la date de livraison du bien est reportée en raison d’une CLR, les parties doivent ainsi bien vérifier ses modalités et ses effets définis dans la VEFA. 

Notamment, est-ce que la CLR est attestée par un tiers ? Cette CLR ne dépend-elle pas seulement de la volonté du vendeur ? 

En effet, la validité de la clause prévoyant une CLR n’est pas contestable, sous réserve que la CLR soit attestée de manière indépendante par un tiers (maitre d’œuvre ou architecte ayant la direction des travaux) et qu’elle ne dépende pas de la volonté du vendeur (Cass. 3e civ., 23 mai 2019, n° 18-14.212 ; Civ. 3e, 24 oct. 2012, n° 11-17.800)

Aussi, en cas d’intempéries, l’acquéreur peut vérifier que les relevés météo présentés par le vendeur pour justifier de la CLR sont ceux de la station météorologique la plus proche, faute de quoi le délai de livraison ne sera pas valablement reporté (CA Bordeaux, 4 juill. 2024, n° 21/03383)

 

2. Indemnisation en cas de retard non justifié 

Si le retard dans le délai de livraison n’est pas valablement justifié par une CLR ou un cas de force majeur, l’acquéreur peut solliciter une indemnisation sur le fondement des pénalités contractuelles prévues à l’acte de VEFA (i) ou, en l’absence de pénalités prévues, sur le fondement du droit commun (ii). 

i. Pénalités contractuelles prévues à l’acte de VEFA 

L’acquéreur bien avisé aura prévu dans l’acte de VEFA une pénalité de retard en cas de retard non justifié. 

En pratique, les parties prévoient souvent une indemnisation égale à 1/3000edu montant total du coût de l’acquisition, multiplié par le nombre de jours de retard. Eventuellement, cette indemnité ne commence à courir qu’à compter du Xème jour de retard ou encore est plafonnée à X% du prix total de la VEFA (CA Bordeaux 4 juill. 2024, n° 21/03383 ; CA La Réunion, 25 juin 2024, n° 22/00923).

Selon la rédaction de la clause, cette pénalité ne sera pas nécessairement exclusive d’une indemnisation complémentaire. 

Autrement dit, l’acquéreur peut éventuellement solliciter d’autres dommages-intérêts s’il parvient à établir un préjudice complémentaire subi du fait du retard, par exemple la perte de chance de louer le bien construit (Cass. 3e civ. 30 janv. 2019, n° 17-31.20).

Enfin, et comme pour toute « clause pénale », la pénalité prévue en cas de retard peut toujours faire l’objet d’une modération par le juge, c’est-à-dire qu’il peut diminuer son montant s’il juge le préjudice moindre ou au contraire l’augmenter si la pénalité lui parait dérisoire (Art. 1231-5 Code civil, cf. Cass. com., 16 juill. 1991, n° 89-19.080, Brasserie Sébastien Artois (Sté) c/ Cauchard (Epx))

ii. En l’absence de pénalités prévues à l’acte de VEFA : dommages-intérêts

Mais même en l’absence de pénalités prévue à l’acte de VEFA, l’acquéreur subissant un retard peut solliciter une indemnisation, qui est alors fondée sur le droit commun :

« le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure ». (Art. 1231-1 du Code civil, ou tout aussi bien sur le fondement du droit spécifique de la vente, art. 1611 du Code civil) 

Il conviendra pour l’acquéreur de démontrer l’existence d’un préjudice résultant de ce retard. 

Est susceptible d’être indemnisé par le vendeur :

  • Les loyers supportés par l’acquéreur pour le bien qu’il occupe en attendant la livraison du nouveau bien (Cass. 3e civ., 9 juill. 2014, n° 13-21.024 ; CA Toulouse, 19 mai 2008, n° 07/02473) ;
     
  • A l’inverse, la perte de loyers pour l’acquéreur pendant la période de retard, si l’acquéreur envisageait de mettre en location le bien objet de la VEFA (CA Bordeaux 4 juill. 2024, n° 21/03383 ; Cass. 3e civ., 28 mai 2013, n° 12-16.548 . CA Amiens, 4 nov. 2010, n° 09/01253) ;
     
  • Les frais de garde-meuble (CA Montpellier, 27 sept. 2018, n°15/07021) ;
     
  • La perte d’un avantage fiscal lié à l’acquisition du bien (ex : dispositif « Pinel ») (CA Bordeaux, 6 oct. 2011, n° 10/03816 ; CA Saint-Denis de la Réunion, 13 mars 2009, n° 07/00377.) 
     
  • Le montant des intérêts « intercalaires » et coûts d’assurance au titre d’un prêt (CA Toulouse, 19 mai 2008, n° 07/02473, CA Bordeaux, 6 oct. 2011 , n° 10/03816 ; Cass. 3e civ., 2 mai 2012, n° 10-28.147) ;
     
  • Le préjudice moral subi, à savoir « les peines et tracas causés par la carence du vendeur » (CA Toulouse, 19 mai 2008, n° 07/02473)

L’acquéreur pourra ainsi demander au vendeur le paiement de dommages-intérêts équivalent au montant du préjudice subi. 

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