Le 6 octobre 2025 - 10 min de lecture - Crédit Photo de Claudio Schwarz
Cession de droit au bail ou de fonds de commerce : Dois-je obtenir l'autorisation de mon bailleur ?
Arrêter son activité avant la fin du bail, valoriser son activité ou seulement valoriser le droit au bail : la cession de fonds de commerce (activité entière) ou du seul droit au bail portant sur les locaux est un outil précieux pour le locataire commercial.
Outre les relations avec le cessionnaire, le locataire peut avoir à négocier avec son bailleur, la cession faisant alors naître une relation tripartite.
En effet, la cession peut être soumise à l’autorisation du bailleur : très fréquemment pour une cession de droit au bail (2), rarement pour une cession de fonds de commerce (1) et jamais dans les hypothèses d’invalidité, de départ à la retraite du locataire ou de restructuration de sa société (3).
Les cas spécifiques de procédure collective du locataire (sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire), ouvrant une liberté accrue de cession au locataire, ne sont pas traités par le présent article.
1. Cession généralement libre du droit au bail dans le cadre d'une cession de fonds de commerce consenties
La cession du droit au bail peut intervenir dans le cadre global d’une cession de fonds de commerce. A savoir, la cession d’une activité entière, comprenant la clientèle du locataire, le droit au bail et les autres éléments attachés à ce fonds (enseigne, nom commercial, licences, stock et matériel, etc.).
Dans ce cas de figure, aucune clause du bail ne peut interdire au locataire de céder son droit au bail (art. 145-16 du Code de Commerce).
Et ce quand bien même le locataire procède à une cession d’une branche autonome de son activité, c’est-à-dire qu’il cède son activité exploitée dans les locaux mais conserve cette même activité dans d’autres locaux. (Cass. Com. 14 oct. 1959 ; Cass. Com. 14 avr. 1992, n°89-20.908)
Toutefois, le bail peut stipuler que la cession est soumise à autorisation du bailleur, dont le refus ne pourra être exprimé que pour des motifs légitimes.
Par exemple, et si le bail le prévoit, le bailleur peut s’arroger le droit de refuser le nouveau cessionnaire s’il ne satisfait pas à des critères de solvabilité, de réputation ou encore de compétence (Cass. 3e civ., 14 févr. 1982 : Gaz. Pal. 1982)
2. Cession généralement contrôlée dans le cadre d’une cession seule du droit au bail
La cession du droit au bail est libre pour le locataire sauf disposition contraire du bail (art. 1717 du Code civil).
Or, en pratique, la grande majorité des baux prévoit justement des clauses interdisant ou restreignant la cession de droit au bail.
Interdiction pure et simple
Classiquement, le bail peut prévoir que toute cession de droit au bail est interdite, sauf dans le cadre d’une cession de fonds de commerce.
Autrement formulé, certains baux stipulent que la cession du droit au bail par le locataire est interdite sauf « à son successeur dans le commerce » ou dans « le même commerce ».
Après des tergiversations jurisprudentielles, il semble que ce type de clause interdit là encore toute cession de droit au bail sauf en cas de cession globale du fonds de commerce (Cass 3e civ. 8 fév. 1984, n°82-15.176 ; Cass. 3e civ. 15. Oct. 1991, n°1460 D. Rev. Loyers 1992 p.98.).
Ces clauses sont parfaitement valables, et ne laissent d’autre choix au locataire que d’aller négocier avec leur bailleur une dérogation à cette interdiction.
Autorisation du bailleur requise
Le bail peut également prévoir une possibilité pour le locataire de céder son bail mais sous réserve de l’accord du bailleur.
Mais tout comme pour la cession de fonds de commerce, le refus du bailleur doit alors être conditionné à des motifs légitimes : moralité, solvabilité, compétence du cessionnaire…
Ce droit de refus n’est pas absolu, le locataire convaincu peut toujours solliciter l’autorisation de la cession en justice si le refus du bailleur lui parait infondé, ou à tout le moins des dommages et intérêts de sa part (Cass. 3e civ. 16 nov. 2023, n°22-17.567).
Par exemple, le refus du bailleur est considéré comme abusif s’il sollicite de son locataire une augmentation de loyer en échange de son accord (T. Civ. Lille, 25 oct. 1960, Ann. Loyers 1961 p.684).
En pratique, l’autorisation du bailleur devra être sollicitée avant la cession. Mais un acte préliminaire de cession peut également être conclu sous condition suspensive d’obtention de cette autorisation.
L’autorisation du bailleur peut également être tacite : par la délivrance d’une quittance de loyers au nouveau locataire (Cass. Com 19 juill. 1965, Bull civ. III n°453), la perception sans réserve de loyers par le propriétaire pendant de nombreuses années (Cass. 3e civ. 11 mai 19852 n°826) ou encore les échanges réguliers avec le nouveau locataire sans protestation (Cass. 3e civ. 12 oct. 1982, Bull civ. III n°195), etc.
Autres conditions à respecter
Enfin, le bail peut d’ores et déjà autoriser la cession mais sous réserve du respect de certaines conditions :
- Absence d’arriéré de loyers : le bail prévoit que le cédant devra être à jour du paiement de ses loyers et charges au jour de la cession ;
- Garantie du locataire cédant pour l’ensemble des dettes du cessionnaire pendant une durée de 3 années ;
- Obligation de formaliser la cession par un acte authentique, ou encore par l’intermédiaire d’une personne désignée par le bailleur (ex : son notaire ou son administrateur de biens) ;
- Purge du droit de préemption du bailleur. Le bailleur peut s’arroger un droit de racheter en priorité le droit au bail du locataire aux mêmes clauses et conditions envisagées avec le candidat cessionnaire.
- Intervention du bailleur à l’acte : le bailleur doit intervenir à l’acte de cession ou a minima être dûment convoqué. Ce qui constitue un moyen pour ce dernier d’être averti de la cession en amont et de pouvoir contrôler le cas échéant le respect des conditions de cession prévues au bail.
Enfin, de facto, le cessionnaire sera soumis au respect de la clause de destination prévue au bail. Autrement dit, il devra exercer strictement la ou les activités autorisées par la clause de destination, souvent identique à celle du locataire cédant.
3. Cession totalement libre dans les cas d’invalidité, de départ à la retraite du locataire ou de restructuration de sa société
Restructuration du locataire.
Aucune interdiction ou même agrément du bailleur ne peut être prévu si le locataire réalise une fusion, une scission, une transmission universelle de patrimoine (TUP) ou encore un apport partiel d’actif (art. 145-16-2 Code de commerce).
La transmission du droit au bail aura alors lieu de manière automatique, en principe sans formalités.
Attention toutefois, le bail peut prévoir une obligation d’information du bailleur de cette opération (clause de changement de contrôle).
Et le bailleur - comme tout autre créancier - dispose d’un droit d’opposition à l’opération dans un délai de 30 jours, lui permettant d’exiger le paiement de sa créance de loyers.
Départ à la retraite ou invalidité du locataire
De la même manière, le bailleur ne peut pas s’opposer à la cession du droit au bail du locataire qui part à la retraite ou devient invalide (art. 145-51 Code de commerce).
Cette dérogation est prévue pour :
- le locataire personne physique,
- l’associé unique de l’EURL locataire ;
- le gérant majoritaire depuis 2 ans de la SARL ; ou
- l’un des deux époux cotitulaire du bail,
qui demande à bénéficier de ses droits à la retraite ou au bénéfice d’une pension d’invalidité.
Outre l’absence d’opposition du bailleur, l’avantage de cette dérogation est qu’elle permet au locataire de céder son droit au bail avec changement d’activité, au-delà de la destination prévue au bail.
La nouvelle activité doit seulement être compatible avec la destination, les caractères et la situation de l’immeuble, notamment au regard du règlement de copropriété (art. 145-51 Code de commerce).
Le locataire doit signifier au bailleur son intention de céder son droit au bail.
Le bailleur bénéficie d’un droit de racheter en priorité le droit au bail, aux conditions qui lui ont été signifiées par le locataire, dans un délai de 2 mois à compter de la date de cette signification (art. 145-51 Code de commerce).
Il peut également s’opposer à la cession en saisissant le tribunal dans ce même délai de 2 mois, s’il considère que la nouvelle activité n’est pas compatible avec l’immeuble.